La lutte pour les droits miniers de la société australienne AVZ en RDC autour du gisement de lithium de Manono s’intensifie, mêlant arbitrage international et calculs géopolitiques. Si la récente décision de la Cour internationale d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale (CCI) apporte un répit temporaire à AVZ, les risques juridiques multiples et les interrogations sur la conformité assombrissent toujours ses perspectives.
L’effet à double tranchant de la décision arbitrale
Selon un communiqué du 14 mars, la CCI a condamné la société publique congolaise Cominière à verser 39,1 millions d’euros à AVZ pour manquement respect de sentence d’arbitrage. Toutefois, bien que le cour ait ordonné à Cominière de suspendre l’exploitation de la zone contestée, il n’a pas reconnu explicitement la pleine propriété d’AVZ sur le lithium de Manono. Des experts juridiques soulignent qu’il s’agit d’une décision procédurale, évitant le cœur du débat sur la titularité des droits miniers.
Manœuvres capitalistiques dans un contexte géopolitique
Après un investissement stratégique de 20 millions de dollars de CATH, AVZ a accéléré son rapprochement avec des intérêts américains. La société affirme être en pourparlers avec des entités états-uniennes pour la cession partielle du projet de lithium de Manono. Cette démarche coïncide avec les discussions entre Kinshasa et Washington sur un programme « minerais contre la paix », visant à sécuriser l’accès aux métaux critiques en échange d’une stabilisation en RDC.
Les analystes estiment qu’AVZ tente de politiser le conflit commercial, utilisant le levier américain pour faire pression sur le gouvernement congolais.
Des risques juridiques persistants
Malgré sa victoire partielle à l’arbitrage, AVZ reste confronté à un enchevêtrement juridique complexe :
Arbitrages en cascade : Plusieurs procédures arbitrales internationales sont encore pendantes.
Soupçons de non-conformité : Selon des sources anonymes, Christian Lukusa, ancien avocat d’AVZ, aurait retiré 7 millions de dollars via des réseaux informels congolais entre juillet 2023 et février 2024. En fuite, il détiendrait des informations sensibles, potentiellement liées à du blanchiment d’argent ou à la corruption.
Enquêtes réglementaires : La police fédérale australienne, ayant perquisitionné les bureaux d’AVZ sans conclure, aurait découvert des irrégularités financières ayant précipité le délistage de la société.
L’incertitude persiste sur les droits miniers
Si AVZ invoque le Code minier congolais pour revendiquer ses droits, la réalité dépasse le cadre juridique :
Bien qu’AVZ accuse Kinshasa de « transfert illégal de droits miniers », la décision de la CCI ne remet pas en cause la légitimité de Zijin Mining.
Le ministère des Mines maintient sa position administrative de réévaluer l’attribution des permis. La compétition entre capitaux internationaux et entreprises chinoises s’exacerbe.
Pour les observateurs, ce cas est devenu un test pour les règles d’investissement minier en Afrique, opposant le principe du « premier occupant » à la souveraineté étatique sur les ressources, tout en reflétant la reconfiguration géopolitique des chaînes d’approvisionnement en minerais stratégiques. Avec la progression des arbitrages et l’implication croissante des capitaux américains, cette bataille de plusieurs milliards de dollars pourrait connaître des rebondissements imprévisibles.
Author(s): mines.cd
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