Dans sa première tribune citoyenne publié ce 3 février sur son compte X, Jean-Pierre Okenda, analyste en gouvernance des industries extractives et Directeur exécutif de l’ONG La Sentinelle des Ressources Naturelles, recommande au gouvernement congolais de déclarer les sites miniers contrôlés par le M23 comme des « zones interdites à l’exploitation minière ».
Selon lui, cette mesure constituerait une riposte stratégique contre le pillage des ressources congolaises orchestré par le Rwanda. Il rappelle que plusieurs rapports d’experts ont mis en lumière l’exploitation illicite des minerais de la RDC par ce pays voisin et estime qu’il est du devoir des congolais d’adopter des actions concrètes pour affaiblir les capacités financières de l’ennemi.
Okende observe que le gouvernement congolais a amorcé certaines démarches, notamment en initiant des plaintes contre les filiales d’Apple et en portant l’affaire devant des juridictions internationales. Toutefois, la réponse officielle tarde face à la prise de Rubaya, un gisement stratégique de coltan tombé sous contrôle du M23/AFC, soutenu par le Rwanda.
Un levier juridique à exploiter
L’analyste souligne que le Code minier congolais offre une base légale pour interdire l’exploitation minière dans ces zones. En effet, son article 6 stipule que le Premier ministre peut, sur proposition du ministre des Mines et après avis des autorités compétentes, déclarer certaines zones interdites aux activités minières pour des raisons de sûreté nationale ou de sécurité publique.
Une telle interdiction rendrait les minerais issus de ces sites illégaux, compromettant ainsi leur commercialisation sur le marché international. « La légalité des opérations minières est un critère central dans le devoir de diligence des chaînes d’approvisionnement », rappelle Okende. Plus le risque juridique et commercial est élevé, plus les acheteurs internationaux hésiteraient à se procurer ces minerais, ce qui fragiliserait la chaîne d’exportation du Rwanda.
Pression sur les acheteurs et la Chine en ligne de mire
Il préconise également que le gouvernement congolais impose davantage de transparence aux acheteurs, afin qu’ils justifient l’origine de leurs approvisionnements. Cette démarche contraindrait les acteurs économiques à éviter les minerais en provenance des zones de conflit, réduisant ainsi les revenus du Rwanda issus de ces ressources.
Toutefois, Okende reconnaît un défi majeur : la Chine, un acteur clé de la chaîne d’approvisionnement des minerais, pourrait poser un obstacle en raison de la faible transparence de son commerce. Il suggère alors que la RDC engage un dialogue stratégique avec Pékin pour s’assurer de son adhésion à cette politique.
Une opportunité pour isoler les minerais du M23
Si cette approche était mise en œuvre, elle exercerait une pression inédite sur le Rwanda et ses partenaires commerciaux. Le renforcement des obligations de diligence raisonnable alourdirait les coûts et risques du commerce des minerais issus des zones sous contrôle du M23, rendant cette activité moins lucrative.
Jean-Pierre Okende interpelle ainsi le ministre des Mines et la Première ministre, les exhortant à agir avec détermination pour concrétiser cette stratégie qui pourrait contribuer à priver le Rwanda d’une source cruciale de financement.
Pierre Kabakila
Author(s): mines.cd
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