Les ONG Sentinelle et Afrewatch ont rendu publique, ce jeudi à Kinshasa, une étude socio-économique portant sur l’exploitation du lithium à Manono, dans la province du Tanganyika. Menée en 2024, cette étude vise à garantir la prise en compte des besoins prioritaires des communautés locales face au développement de ce projet minier. Elle ambitionne également d’optimiser les retombées positives tout en réduisant les impacts négatifs, en vue d’un développement inclusif et harmonieux de la région.
Une étude pour structurer les besoins communautaires
Selon Maître Jean-Pierre Okenda, Directeur exécutif de l’ONG Sentinelle des Ressources Naturelles, cette étude intitulée « Faire entendre la voix de la communauté autour du projet de lithium à Manono » vise à identifier les besoins prioritaires des populations locales, confrontées à un fort enclavement et à une précarité grandissante. Parmi ces besoins, l’accès à l’eau potable constitue une préoccupation majeure pour les habitants, qui peinent à s’approvisionner en ressources hydriques de qualité. La fourniture en électricité apparaît également comme une nécessité pour améliorer les conditions de vie et favoriser le développement économique de la région.
Par ailleurs, la réhabilitation des routes de desserte agricole est essentielle pour faciliter la mobilité des populations et permettre l’acheminement des produits locaux vers les marchés. La création d’emplois pour les jeunes de Manono représente une priorité afin de lutter contre le chômage et de promouvoir l’insertion socio-économique. Enfin, la construction d’infrastructures scolaires demeure un enjeu crucial pour garantir un accès à l’éducation et offrir aux générations futures de meilleures perspectives.
L’objectif final de cette étude est de faciliter les négociations des cahiers des charges de responsabilité sociétale avec les entreprises minières détentrices de licences et celles qui viendront s’implanter dans la région.
Une situation marquée par des tensions communautaires et juridiques
L’étude met également en lumière deux problématiques majeures freinant le développement de la région. Tout d’abord, un conflit administratif persiste entre le territoire de Manono et la cité de Manono, suite à un décret de 2012 transformant certaines cités en villes. Cette ambiguïté empêche la cité de Manono de négocier directement des accords au titre d’Entité Territoriale Décentralisée (ETD), ce qui limite son autonomie dans la gestion des retombées du projet minier.
Ensuite, des tensions intercommunautaires opposent la communauté Twa, qui représente environ 5 % de la population, à la majorité bantoue. Ces conflits, déjà existants, risquent de s’aggraver si les décisions et projets liés à l’exploitation du lithium ne prennent pas en compte les intérêts de toutes les parties concernées. Il est donc essentiel que les initiatives mises en place favorisent la cohésion sociale au lieu d’exacerber les divisions.
Le lithium de Manono : une richesse convoitée aux enjeux multiples
La RDC détient d’importantes réserves mondiales de lithium, un minerai stratégique pour la transition énergétique. Le projet d’exploitation du lithium à Manono représente donc une opportunité économique majeure pour le pays et pour la province du Tanganyika. Selon les estimations, les réserves de lithium s’élèvent à 400 millions de tonnes, ce qui attire de nombreux investisseurs.
Cependant, plusieurs préoccupations demeurent. L’impact réel des retombées économiques sur les populations locales reste incertain, tandis que des conflits juridiques opposent l’État congolais à certaines entreprises minières. De plus, l’exploitation du lithium pourrait engendrer des conséquences environnementales et sociales, qu’il convient d’anticiper pour préserver les conditions de vie des communautés locales.
Des recommandations pour un développement durable
Face à ces enjeux, Sentinelle et Afrewatch formulent plusieurs recommandations. La première concerne la clarification du statut administratif de Manono afin de permettre à la cité de jouer un rôle actif dans les négociations. La deuxième insiste sur la nécessité de garantir une répartition équitable des bénéfices issus de l’exploitation du lithium afin que les populations locales en tirent profit.
En outre, il est impératif de renforcer les capacités des communautés locales en leur fournissant des formations sur leurs droits, le développement local et les cahiers des charges. Enfin, la mise en place de mécanismes de dialogue est essentielle pour éviter l’aggravation des tensions intercommunautaires et favoriser une gestion concertée du projet minier.
Cette étude, réalisée en collaboration avec les communautés locales, marque une étape essentielle pour une exploitation plus responsable et inclusive du lithium de Manono.
Daniel Bawuna
Author(s): mines.cd
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