Alors qu’une forte pression internationale s’exerce sur le Rwanda pour son rôle dans la crise de l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) et l’exploitation illicite des ressources minières dans les deux Kivu, un autre acteur reste largement oublié : l’Ouganda, qui tire d’énormes bénéfices du trafic d’or en Ituri.
L’exploitation frauduleuse de l’or congolais
Dans une étude récente sur le conflit en RDC, le chercheur français Pierre Jacquemot met en lumière la manière dont l’Ouganda s’enrichit illégalement grâce à l’exploitation frauduleuse de l’or en Ituri. Il s’appuie sur un rapport de Swissaid publié en 2024, révélant que l’économie ougandaise est soutenue par un commerce illicite de l’or congolais.
« On comprend difficilement comment un pays, qui ne dispose actuellement d’aucune mine industrielle d’or et qui ne produit sur son territoire qu’un maximum de 3 tonnes d’or par an, peut avoir un tel niveau d’exportations aurifères », s’étonne le chercheur.
Cette exploitation illégale a favorisé la croissance économique de l’Ouganda. En 2023, Kampala a effectué cinq exportations d’or sur le marché mondial, générant un revenu record de 2,7 milliards USD.
L’étude de Swissaid démontre que l’or importé frauduleusement par l’Ouganda ne figure pas dans les statistiques officielles des pays d’origine. L’un des principaux points de passage de cette contrebande est la localité de Tchomia, située sur les rives du lac Albert.
Un système organisé de dissimulation
D’après Pierre Jacquemot, l’Ouganda refuse de reconnaître l’origine réelle de l’or en provenance de la RDC. À travers un réseau bien structuré, Kampala requalifie cet or en le faisant passer pour des exportations en provenance de la Tanzanie, de l’Afrique du Sud ou encore de la Gambie.
« L’Ouganda importe frauduleusement l’or congolais, puisque la grande majorité de l’or qui entre dans le pays ne se retrouve pas dans les statistiques d’exportation des pays producteurs », souligne l’étude.
Pour consolider ce trafic, le régime du président Yoweri Museveni a déjà installé deux raffineries de grande capacité afin de transformer et d’exporter ce minerai en toute opacité.
Insécuriser pour piller
Le chercheur en gouvernance et sécurité, Jimmy Kioma, confirme que l’Ouganda joue un rôle actif dans la déstabilisation de l’Ituri en vue de faciliter le pillage des ressources.
« Il n’y a pas que le Rwanda qui amplifie la crise pour piller, il y a aussi l’Ouganda », déclare-t-il.
Selon lui, l’insécurité en Ituri n’est pas un simple hasard, mais plutôt une stratégie orchestrée pour permettre à l’Ouganda d’accaparer des ressources congolaises en toute impunité.
« Vous n’êtes pas sans savoir que l’or de l’Ituri passe frauduleusement par l’Ouganda, y compris même le bois. Cette mafia profite à Kampala, qui veut nous maintenir à genoux pour s’emparer de nos richesses », a révélé Jimmy Kioma.
Face à cette situation alarmante, il exhorte le gouvernement congolais à renforcer l’armée dans le but de contrer ces pillages et de garantir au peuple congolais la jouissance légitime de ses ressources naturelles.
Azarias Mokonzi
Author(s): mines.cd
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