Le consortium citoyen Congo N’est Pas à Vendre (CNPAV) réclame l’ouverture d’une enquête judiciaire contre les agents publics bénéficiaires de 22,5 millions USD en jetons de présence, dans le cadre de la commission chargée de la renégociation du contrat Sino-Congolais. Cette somme, jugée excessive, soulève des suspicions de conflit d’intérêts, selon un rapport présenté le 5 mars 2025 à l’Hôtel Memling de Kinshasa.
Une commission opaque et des rémunérations exorbitantes
Créée en avril 2023 sous l’impulsion du cabinet du Président de la République, alors dirigé par Guylain Nyembo, cette commission avait pour mission de rééquilibrer le partenariat sino-congolais, souvent critiqué pour ses termes défavorables à la RDC.
Cependant, le déroulement des travaux est resté entouré d’opacité, sans comptes-rendus publics ni rapport final accessible. Pire encore, les membres de la commission étaient tenus à une clause de confidentialité, s’exposant à des sanctions en cas de divulgation des documents de travail.
Le CNPAV, dans son rapport intitulé « Retour sur la renégociation de la Convention Sino-Congolaise : Du Mauvais au Pire ? », dénonce l’absence de résultats concrets, mais surtout l’ampleur disproportionnée des jetons de présence perçus.
22,5 millions USD versés en une seule journée
Selon des courriers officiels de la Sicomines et plusieurs lettres de l’Inspection Générale des Finances (IGF) adressées à la direction de cette entreprise détenue à 68 % par des capitaux chinois et à 32 % par la Gécamines, le montant total des jetons de présence atteint 22,5 millions USD.
Une somme colossale dont 18,8 millions USD ont été versés en une seule journée, sur des comptes de l’IGF logés à la Rawbank :
Lettre 194 du 2 février 2024 : 6,99 millions USD
Lettre 195 du 2 février 2024 : 6 millions USD
Lettre 196 du 2 février 2024 : 5,81 millions USD
Le CNPAV souligne que ces versements ont été sollicités par Jules Alingete, chef de l’IGF, via trois courriers distincts, rédigés avec le même texte et la même date, mais avec des montants et des comptes bancaires différents.
Un conflit d’intérêts flagrant assimilé à la corruption
Le CNPAV dénonce le fait que ces jetons de présence ont été financés par la Sicomines elle-même.
« En d’autres termes, la société mise en cause et dominée par la partie chinoise a payé les prestations de la partie congolaise, qui était supposée rééquilibrer les termes du partenariat et défendre les intérêts de la RDC. Il s’agit là d’un conflit d’intérêts notoire, assimilable à des actes de corruption que le CNPAV dénonce fermement », fait observer le CNPAV.
De plus, ces 22,5 millions USD seront déduits des fonds destinés aux infrastructures, ce qui signifie que cet argent aurait pu servir à financer des routes, des canalisations et des hôpitaux.
« Ainsi, ce sont 22,5 millions qui auraient pu être investis dans des routes et des canalisations ou des hôpitaux qui permettraient de combattre les inondations de plus en plus fréquentes à Kinshasa et des formations sanitaires à l’intérieur du pays », a soutenu le consortium.
Un modèle économique inadapté et préjudiciable pour la RDC
Le CNPAV remet en question le modèle économique de la Sicomines, qu’il considère comme inadapté et désavantageux pour l’État congolais. Selon lui, ce modèle ne maximise pas les recettes minières et n’a pas permis la réalisation des infrastructures promises.
Comparant la Sicomines à d’autres entreprises minières telles que TFM et MUMI, la coalition constate que le ratio des impôts et des taxes versés par ces dernières est largement supérieur à celui de la Sicomines, bien que leurs chiffres d’affaires soient comparables.
« Si la Sicomines a réalisé un chiffre d’affaires comparable à celui de TFM et à celui de MUMI, le ratio des impôts et taxes de ces dernières est largement supérieur à celui de la Sicomines », a révélé l’analyse critique.
Le CNPAV dénonce également le fait qu’en 15 ans, la Sicomines n’ait investi que 822 millions USD dans les infrastructures, alors que COMMUS, une autre entreprise minière, a déboursé 888 millions USD en seulement 5 ans (2018-2022).
« Le régime fiscal applicable à la Sicomines constitue un manque à gagner criant, assimilé simplement à de l’arnaque de la partie chinoise au détriment de l’État congolais », a souligné le consortium le Congo N’est pas à vendre.
Un appel à la justice pour faire la lumière sur cette affaire
Face à ces révélations accablantes, le CNPAV exhorte la justice congolaise à ouvrir une enquête pour établir les responsabilités des agents publics impliqués dans cette gestion opaque des fonds.
L’organisation plaide par ailleurs pour une révision approfondie du partenariat sino-congolais, afin de garantir que les ressources minières de la RDC profitent véritablement à la population et non à une élite restreinte.
Author(s): mines.cd
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