Présence des troupes ougandaises en RDC : coopération militaire sincère ou occupation déguisée ?

Dans un contexte de tension accrue entre la République Démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, l’Ouganda semble s’ingérer de manière significative dans un conflit pourtant interne, impliquant principalement des groupes armés locaux. Malgré la coopération militaire menée conjointement avec l’Ouganda dans le cadre de la lutte contre les ADF, responsables de nombreux massacres de civils en RDC et en Ouganda, le commandement de l’UPDF, l’armée ougandaise, maintient une posture perçue comme une menace pour l’intégrité territoriale congolaise.

En effet, après les massacres d’une cinquantaine de civils à Djugu, dans la province de l’Ituri, le général Muhoozi Kainerugaba, chef de l’armée ougandaise, a publié un tweet controversé, menaçant de traiter comme « ennemies » toutes les forces présentes à Bunia si elles ne déposaient pas les armes dans un délai de 48 heures. Cette sommation incluait également les FARDC, pourtant légitimement présentes dans la capitale de l’Ituri.

Considérés comme frivoles et déplacés, les tweets du fils du président Yoweri Museveni ont suscité de vives réactions. Plusieurs observateurs dénoncent un discours à la fois provocateur et révélateur d’une stratégie plus vaste. « La présence militaire ougandaise en RDC, sous couvert de coopération avec les FARDC, est loin de faire l’unanimité », a déclaré Fabrice Saambili, opposant politique, qui considère cette collaboration comme un « marché de dupes » dans lequel la RDC ressort systématiquement perdante.

Plus préoccupant encore, le général Muhoozi Kainerugaba s’est publiquement montré favorable au M23, groupe rebelle qui occupe actuellement Goma et Bukavu, déstabilisant ainsi l’Est de la RDC. « Comment justifier une coopération militaire avec une armée dont le commandement affiche ouvertement des sympathies pour ceux qui nous attaquent ? », s’interroge Fabrice Saambili.

Au-delà des considérations sécuritaires, cette alliance militaire fragilise la souveraineté de la RDC. « Chaque fois que nous sollicitons une armée étrangère, nous affaiblissons un peu plus nos propres forces et la crédibilité de l’État congolais », déplore l’opposant. La présence prolongée de l’UPDF risque de créer une dépendance dangereuse et de faciliter une emprise ougandaise sur les ressources minières du Nord-Kivu et de l’Ituri.

Sur le terrain, la réalité est préoccupante. Plusieurs rapports indiquent que l’UPDF mène unilatéralement certaines opérations, sans réelle coordination avec les FARDC, ce qui soulève des questions sur le contrôle effectif de cette intervention. « Il n’y a aucune garantie que les intérêts du Congo soient réellement protégés. Tout porte à croire que l’Ouganda manœuvre pour consolider sa position géostratégique et accéder aux ressources minières de la RDC », alerte un analyste.

Certains observateurs craignent que cette présence militaire ne se transforme en occupation déguisée. « L’histoire nous a appris qu’une armée étrangère qui entre en RDC n’en repart jamais facilement. L’État congolais doit cesser cette politique de soumission et investir sérieusement dans le renforcement de ses propres forces armées », prévient un expert en géopolitique ayant requis l’anonymat.

Une mission occultée par de l’Ouganda

Selon cet expert, l’intervention de Muhoozi Kainerugaba révèle une stratégie de longue date visant à infiltrer l’appareil étatique congolais pour accéder aux ressources minières sans entrave. « Depuis quatre ans, la RDC fait face à une nouvelle offensive du M23, soutenue par plusieurs États voisins, avec le Rwanda en première ligne », explique-t-il.

Il doute de la sincérité de l’Ouganda dans sa coopération avec la RDC pour combattre les ADF, suspectant plutôt une stratégie de manipulation visant à s’attirer la sympathie des populations locales tout en consolidant une présence militaire durable sur le sol congolais.

Dans le Grand Nord de la province, bien que l’UPDF prétende combattre aux côtés des FARDC contre les ADF, « la paix semble miraculeusement s’imposer dans les zones où l’UPDF s’est installée, tandis que les attaques des ADF se déplacent vers des régions éloignées de leurs positions », souligne-t-il, pointant du doigt une stratégie de contrôle territoriale savamment orchestrée.

« La présence de l’UPDF en RDC semble avoir été planifiée de longue date, avec un objectif précis que Muhoozi Kainerugaba a maladroitement dévoilé », analyse l’expert. Il considère que « les attaques des ADF en Ouganda ont servi de prétexte pour justifier une intervention militaire et établir durablement leur présence en RDC ».

Cette situation soulève des interrogations : « Comment expliquer que l’armée congolaise continue de collaborer avec l’UPDF alors que des combattants du M23 tombés à Kanyabayonga portaient des uniformes de l’UPDF ? Pourquoi les FARDC ne prennent-elles pas de mesures pour anticiper les manœuvres de cette armée voisine ».

L’analyste poursuit : « L’UPDF occupe progressivement Lubero, Beni et l’Ituri, tandis que les RDF (Forces rwandaises) s’imposent dans le Petit Nord et le Sud-Kivu. La priorité est désormais l’élimination des dernières poches de résistance, permettant aux forces rebelles de converger progressivement vers Kisangani. Si cette ville tombait, Kinshasa deviendrait vulnérable, ouvrant la voie à une infiltration des institutions congolaises par des agents œuvrant pour des puissances étrangères et des multinationales.

En dépit de l’avancée des rebelles, le gouvernement congolais semble hésitant : il refuse de négocier, mais n’entreprend pas non plus d’offensive décisive. Cette inaction pourrait renforcer la position du M23 et permettre à cette rébellion d’étendre son influence. « Si une négociation devient inévitable, le rapport de force sera en faveur des rebelles, qui dicteront alors leurs conditions », prévient l’analyste.

Les déclarations provocatrices de Muhoozi Kainerugaba révèlent une complicité tacite du gouvernement ougandais. Si Kampala était conscient des déclarations incendiaires et sans courtoisie, ni délicatesse de son chef d’armée, non seulement qu’il pourrait présenter ses excuses auprès du gouvernement congolais, mais bien plus interpeller l’officier militaire pour ces déclarations incendiaires. Ce silence traduit à la fois une complicité latente et un aveu tacite.

« Si ce dernier désapprouvait réellement ces propos, il aurait présenté des excuses officielles au gouvernement congolais et sanctionné l’officier militaire », conclut l’analyste, soulignant ainsi un silence complice de l’Ouganda.

Ces analyses résonnent comme un appel à la vigilance pour le gouvernement congolais. Les alliances militaires hasardeuses risquent de plonger le pays dans une situation d’ingouvernabilité. Le Président de la RDC est ainsi interpellé pour reconsidérer la politique de coopération militaire avec des puissances voisines aux ambitions géostratégiques incertaines.

Azarias Mokonzi

Author(s): tazamardc.net
Source: Access the article

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