Conflit à l’Est : au travers du M23, “Kigali veut contrôler et gérer le Kivu”

2025-01-28

2025-01-28

2025-01-28

2025-01-28

Ajouter aux favoris

http://www.mediacongo.net/dpics/filesmanager/actualite/2025_actu/01-janvier/27-31/willy_ngoma_et_sultani_makenga_25.jpeg

« Comme toujours, rien n’est simple en République démocratique du Congo”, lâche d’emblée Erik Kennes, chercheur à l’Institut d’Egmont, spécialiste de la région des Grands Lacs.

Quelle est la base des revendications des rebelles ?

“Dans cette crise, comme souvent en RDC, quand un problème se pose, personne ne veut y toucher et donc la situation pourrit. C’est le cas avec le M23. Après leur défaite de 2013, les rebelles ont trouvé refuge en Ouganda et au Rwanda. Au début de l’ère Tshisekedi, il y a eu l’espoir de trouver une solution pour ces gens. Une feuille de route a été signée à Kigali, en octobre 2019, entre le M23 et des représentants congolais. Une délégation du M23 s’est ensuite rendue à Kinshasa pour finaliser cet accord. Mais, là-bas, rien n’a été fait. Une partie de ces membres du M23 sont des Congolais qui ont fui leur pays en 1993-1994. Des accords ont aussi été signés avec le HCR (Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, NdlR) pour leur rapatriement au Congo. Mais, une fois encore, ces accords n’ont jamais été exécutés”.

Peut-on dire que le M23 est une rébellion totalement congolaise ?

“Le noyau dur est composé essentiellement de Tutsi congolais, mais ils ont été instrumentalisés par le Rwanda. Les Ougandais ne sont jamais loin, mais ils sont plus subtils que les Rwandais”.

À travers eux, Kigali cherche-t-il à annexer le Kivu ?

“C’est impossible. Personne ne l’accepterait et le Rwanda en est tout à fait conscient. Par contre, Kigali cherche à contrôler de fait le Kivu. Pas seulement pour des raisons économiques, comme on l’entend souvent, mais aussi pour des raisons sécuritaires. La menace armée des FDLR (hutu descendant des génocidaires rwandais de 1994 ayant trouvé refuge en RDC, NdlR) n’est qu’un prétexte. Par contre, structurellement, il est vrai qu’il y a un problème pour les Rwandais. Ils craignent une espèce de contamination idéologique sous l’influence des FDLR et des Hutus congolais contre le pouvoir Tutsi. Personne n’a évidemment oublié le génocide et Kigali n’est qu’à 150 kilomètres de la frontière congolaise.”

Le poids de l’or

Il était aussi question de raisons économiques ? On pense au coltan ?

“Tout le monde se focalise sur le coltan et c’est une erreur. Les chaînes d’approvisionnement du coltan sont compliquées. Il faut beaucoup de matériel, des gros moyens. Le vrai enjeu économique dans la région, c’est l’or. C’est beaucoup moins lourd, c’est très facile à dissimuler. Tout le monde ou presque peut transporter assez facilement de l’or qui échappe aussi totalement au contrôle de l’État congolais. Selon les chiffres de la Banque centrale du Rwanda, l’or représente un tiers des revenus des exportations rwandaises, bien plus que le coltan. Or, selon des experts, Kigali ne produit que 3 kg d’or sur son territoire.”

Pourquoi ce business est-il si mal connu ?

“L’or n’est pas un enjeu stratégique comme le coltan ou d’autres minerais. Donc, personne ne se préoccupe réellement de ce métal précieux, mais il est essentiel pour comprendre ce qui se passe dans la région. L’Ouganda n’est pas absent de ce marché. Lui, il attire l’or de la province de l’Ituri. Ce business, très juteux, est une des raisons pour lesquelles il y a beaucoup de groupes armés dans la région. Ces groupes exploitent des filons pour leur compte ou au service de militaires congolais. Certains hauts gradés gèrent eux-mêmes certains sites, il y a aussi des ministres de Kinshasa qui ont leur exploitation dans l’Est. Tout le monde se sert et tout le monde profite du chaos dans la région. Il faut aussi savoir qu’il est pratiquement impossible d’exporter légalement cet or parce que la fiscalité de fait sur l’or est très lourde”.

La fiscalité de fait ?

“Il y a les taxes officielles qui sont déjà élevées et, ensuite, il y a les taxes qu’on pourrait présenter comme informelles, notamment du côté du Service d’assistance et d’encadrement de l’exploitation minière artisanale et des mines à petite échelle (SAEMAPE). Ce service qui est chargé d’encadrer les creuseurs donne parfois l’impression de créer de nouvelles taxes tous les matins.”

Ce jeudi, il y a une réunion des pays de l’Afrique de l’Est à Nairobi, au Kenya. La présidence kényane a annoncé la présence des présidents Tshisekedi et Kagame. Peut-on imaginer de les remettre à la table de négociation après les derniers événements et leurs dernières déclarations ?

“Cela me paraît très compliqué pour ne pas dire impossible. il y a eu une telle escalade verbale et sur le terrain ces derniers jours qu’il faudra passer par des rencontres entre des acteurs moins visibles pour tenter de désamorcer la tension. Mais, il ne faut pas se leurrer, ça sera très compliqué. L’intransigeance de Tshisekedi vis-à-vis des négociations avec le M23 complique encore la tâche”

Peut-on imaginer une marche arrière du M23 ou du Rwanda ?

“Ce n’est pas le Rwanda qui finance le M23. Le mouvement doit se débrouiller. Il prélève des taxes comme sur la frontière ougandaise, à Bunagana, le premier point qu’il a conquis en mai 2022. Il exploite aussi des concessions minières. Le Rwanda, de son côté, a pris des risques diplomatiques et militaires dans cette aventure, ce n’est pas pour tout arrêter du jour au lendemain sans résultat.”

Un acteur peut-il forcer le dialogue entre ces deux-là ?

“La Turquie s’est proposée sans succès. Peut-être Donald Trump. Pas certain qu’il se préoccupe de ce qui se passe au Congo, mais c’est un nouvel acteur et c’est toujours intéressant d’avoir un nouvel acteur dans une crise qui dure depuis un certain temps”.

Author(s): mediacongo.net
Source: Access the article

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Accepter les Notifications pour ne pas rater les news de la RDC OK No